Les arts du mouvement
2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien
Chorégraphe(s) : Nikolaïs, Alwin (United States) Decouflé, Philippe (France) Bory, Aurélien (France) Zimmermann, Martin (Switzerland) De Perrot, Dimitri (Switzerland) Bourgeois, Yoann (France)
Sanctum - Imago
Nikolaïs, Alwin (United States)
1964 - Réalisateur-rice : Louis, Murray
Chorégraphe(s) : Nikolaïs, Alwin (United States)
Producteur vidéo : Murray Louis
Solo
Decouflé, Philippe (France)
2009
Chorégraphe(s) : Decouflé, Philippe (France)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Vidéo intégrale disponible à la Maison de la danse de Lyon
Sans Objet
Bory, Aurélien (France)
2011 - Réalisateur-rice : Picq, Charles
Chorégraphe(s) : Bory, Aurélien (France)
Producteur vidéo : Compagnie 111; Maison de la Danse
Öper Öpis
Zimmermann, Martin (Switzerland)
2008
Chorégraphe(s) : Zimmermann, Martin (Switzerland) De Perrot, Dimitri (Switzerland)
Producteur vidéo : Zimmermann & de Perrot
Fugue / Trampoline
Bourgeois, Yoann (France)
2016 - Réalisateur-rice : Nano Ville
Chorégraphe(s) : Bourgeois, Yoann (France)
Kayassine
Kayassine (France)
2002 - Réalisateur-rice : Picq, Charles
Producteur vidéo : Cinétévé
Les arts du mouvement
2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien
Chorégraphe(s) : Nikolaïs, Alwin (United States) Decouflé, Philippe (France) Bory, Aurélien (France) Zimmermann, Martin (Switzerland) De Perrot, Dimitri (Switzerland) Bourgeois, Yoann (France)
Auteur : Anne Décoret-Ahiha
Découvrir
Être en mouvement, c'est l'essence même de notre condition d'être vivant. Alors qu'il paraît immobile, notre corps ne cesse pourtant de bouger : le cœur palpite, les organes s'activent tandis que les poumons tiennent le rythme. Debout, allongé, renversé, le corps recèle aussi d'innombrables possibilités de mouvement qui, selon l'enjeu – puissance, adresse, équilibre, éloquence… - se déclinent en techniques, dont la maîtrise confine à l'art. La danse en est un. Tout comme la voltige ou la jonglerie. Par delà leurs différences d'intention, de modalités ou d'outillage, ces arts ont pour point commun d'explorer les ressources physiques et expressives du corps en mouvement. Il arrive que les uns se frottent aux autres, et se fécondent. Le traditionnel numéro de trapèze prend alors l'allure d'une chorégraphie des airs. Parfois aussi, la danse se prolonge au-delà du geste du danseur : lorsqu'elle se mêle aux effets de lumière et d'image pour transformer la scène en espace du mouvement.
Cirque, danse, vidéo : voilà des registres que les artistes de ce Parcours se plaisent à combiner et par là même, à enrichir. Rien n'arrête le mouvement de l'art !
Description
1. Quand la scène devient mouvement
Sanctum / Imago / Solo
Mais qu'est-ce donc ? Un banc de poissons exotiques ? Un troupeau de mammifères transgéniques ? Ou un ciel d'étoiles psychédéliques ? Solliciter l'imaginaire du spectateur, telle était l'intention d'Alwin Nikolaïs. Le chorégraphe américain créa des spectacles, comme ici Sanctum, dans lesquels lumière, costume, mouvement dansé et même, musique, participaient ensemble, à part égale, à l'élaboration de formes en mutation continue, abstraites, dont la signification dépend de l'œil qui les regarde. L'art chorégraphique se conçoit ainsi comme un art total du mouvement. « Je fais de la danse un art visuel autant qu'un art cinétique », disait-il, lui qui réglait toutes les composantes du spectacle. Affublé d'accessoires qui prolongent sa corporéité, comme dans Imago, dissimulé sous des textiles élastiques servant d'écran mouvant aux projections lumineuses, l'interprète danse en même temps qu'il fait danser l'espace entier de la scène. Le mouvement provient autant des déplacements et gestes des danseurs que des jeux de lumière et effets d'optique qu'ils occasionnent. Il s'en dégage une impression de féérie et de mystère enchanteur. Ce qui valut à Nikolaïs le surnom mérité de « magicien ».
Le maître américain possédait également de grands talents de pédagogue. C'est lui qui dirigea, à son ouverture, le Centre National de Danse Contemporaine, en 1978. Parmi ses élèves, Philippe Découfflé revendique son héritage. Ce dernier compose des spectacles dans lesquels les techniques d'images participent pleinement à la chorégraphie. Dans cet extrait de Solo, caméra et danseur –Découflé en personne – s'associent pour produire un étonnant pas de deux qui circule entre réel et virtuel, entre plan horizontal (le plateau) et plan vertical (la toile en fond de scène – le cyclo-). Créée en « live » par le geste dansé, l'image donne un envol poétique au corps. Elle lui donne des ailes, le démultiplie, le désarticule et le métamorphose en arabesques, en magma kaléidoscopique. Le mouvement se déploie alors dans un espace pluridimensionnel qui reflète aussi les inquiétudes du danseur chorégraphe, traversé de doutes et d'obsessions.
2. Machineries infernales
Sans objet / Öper Öpis
C'est avec un robot que le protagoniste de Sans Objet entame un duo incongru. L'imposant bras articulé, planté au milieu de la scène, semble avoir attiré le jeune homme, au point de lui faire perdre la tête, pour l'emmener dans une danse ralentie, toute en suspensions et déséquilibres. Par sa robustesse, sa brillance métallique, la machine paraît avoir pris le dessus sur son fragile partenaire. Elle le guide, comme dans un tango lent, initiant le mouvement qu'il est contraint de suivre. Mais elle sait aussi, quand il le faut, prodiguer un soutien solide et lui éviter la chute. Bien que massive, elle se montre habile et délicate. Lui résiste : il profite de l'enfermement de sa tête pour trouver d'autres appuis à sa danse. L'Homme a inventé la machine. N'est-elle pas en train de prendre le pouvoir sur lui, se demande dans cette pièce Aurélien Bory. Car si la robotique gagne en précision et tend à s'approcher au plus près du mouvement humain, l'homme n'est-il pas en passe de perdre son agilité et son humanité ?
De la mécanique, de la machinerie, des objets : la scénographie de Öper öpis en regorge. Ici, le mouvement semble engendré par le sol mobile qui provoque glissages, renversements, déboulés et complexifie les numéros d'équilibriste. L'absence de stabilité, l'oscillation continue du plateau confronte davantage les corps à l'épreuve de la verticalité. Elle renouvelle le défi aux lois de la pesanteur que se lancent danseurs et circaciens, ici réunis par Zimmermann et De Perrot. Tout bouge tout le temps, avec une prise de risque permanente. Cela donne lieu à des séquences pleines de drôlerie: un tango avec chaises, des acrobaties de « main à main » transformées en « main à pied ». Car cette scénographie du bancal, du tout de travers, de l'impossible horizontalité renvoie aussi au quotidien des relations humaines, et aux réajustements permanents qu'elles impliquent.
3. Il y a de la chorégraphie dans l'air !
Cavale / Kayassine / Vent d'Autant
Faire le grand saut à deux ? Voilà une proposition que Yoann Bourgeois décline à sa manière dans Cavale. L'un après l'autre, les interprètes s'abandonnent à la gravité terrestre. A leur élan dans le vide, correspond une sorte de contre élan, qui les ramène, par le même chemin, au point de départ, comme si le film de leur envol se rembobinait. Ici, chute et rebond se valent. L'un et l'autre contiennent le même vertige, la même jubilation. Les voltigeurs offrent tout leur poids à la terre, qui les renvoie toujours plus haut dans le ciel, la tête encore plus dans les nuages. Ils fendent l'air tels des oiseaux plongeant sur leur proie avant de regagner la nuée. Dans cet état fugace, entre horizontalité et verticalité, se glisse un rêve d'apesanteur.
Ses premières sensations sur le trampoline, Fabrice Champion en a gardé le souvenir intact. Il avait alors découvert « ce plaisir simple et indescriptible de « s'envoyer en l'air » ». Mais c'est au trapèze qu'il voua une passion dévorante. Au point de s'associer à un projet artistique entièrement consacré à cet agrès. En 1994, est crée Les Arts Sauts, un spectacle qui donne son nom à la compagnie. Pour Stéphane Ricordel, autre fondateur, il s'agissait de « sortir le trapèze volant du seul cadre de la performance et de l'exercice acrobatique [pour] lui conférer une dimension esthétique ». Cette démarche dotant l'acrobatie aérienne d'une scénographie et d'une dramaturgie spécifiques participait du renouveau général du cirque, qui a débuté à la fin des années 1980. Le Nouveau Cirque privilégie en effet l'idée d'une œuvre faisant sens, déroulant un propos, plutôt qu'un enchaînement de numéros spectaculaires sans lien entre eux.
En concevant de nouvelles architectures d'agrès, parfois très complexes, les Arts sauts donnent déjà à la voltige de nouveaux contours. Dans cette séquence de Kayassine, les trapézistes se répartissent sur toute la longueur du pont et à différents niveaux de hauteur. Ils peuvent ainsi s'élancer ensemble, ou avec un léger décalage, se croiser, dialoguer. L'introduction d'un troisième porteur, pour chaque voltigeur étire la durée des figures. Le mouvement s'enchaîne en continu pour créer une sorte de ballet des airs, rythmé par les musiciens et chanteurs, installés eux aussi, sur les plates-formes. Cette chorégraphie dans le vide n'est pas sans risque. En 2004, Fabrice Champion devint tétraplégique après avoir gravement percuté un partenaire, lors d'une répétition [1].
Bien moins périlleux, ce duo d'acrobates de la compagnie Vent d'Autan suggère la tendresse d'une balade d'amoureux. Portée par ce « main à main » langoureux qui conduit à l'étreinte, l'artiste féminine ne touche pas terre, au sens propre comme au figuré ! Chacun dans son plan, lui posé sur l'horizon, elle à la perpendiculaire. Et pourtant, la rencontre opère. Il est du sol, elle joue la fille de l'air. Ils unissent leurs contraires dans une jolie formule, à la croisée de l'acrobatie et de la danse. L'un et l'autre, d'ailleurs, ne sont pas si étrangers. Comme nous le rappelle l'étymologie, l'acrobate n'est-il pas « celui qui marche sur la pointe des pied » ?
[1] Fabrice Champion est décédé en 2011.
Approfondir
Ouvrages
ADRIAN. Le sens de l'équilibre : équilibristes, fildeferistes, funambules, cyclistes, patineurs, perchistes : une clef pour l’art du cirque. Paris : éd. Paul Adrian, 1993. 143 p. (L’encyclopédie du cirque).
BOISSEAU, Rosita, DECOUFLE, Philippe. Philippe Decouflé. Paris : Textuel, impr. 2003, cop. 2003. 168 p. (En compagnie).
CALAIS-GERMAIN, Blandine. Anatomie pour le mouvement. Tome 1, Introduction à l'analyse des techniques corporelles [2e éd.]. Méolans Revel : Désiris, cop. 1991. 302 p.
LABAN, Rudolf, CHALLET-HAAS, Jacqueline (trad.). La maîtrise du mouvement [The mastery of movement]. Arles : Actes Sud, 1994 (2ème éd.). 275 p. (L’art de la danse).
LORENDON, Gilles, LORENDON, Laurence. Nouveau Cirque : la grande aventure : Centre National des Arts du Cirque. Paris : Le Cherche Midi, 2001. 127 p.
MOREIGNE, Marc, DAVID, Claire (dir.). Les Arts Sauts : entretiens avec Fabrice Champion, Laurence de Magalhaes, Stéphane Ricordel. Arles : Actes Sud ; Châlons-en-Champagne : CNAC, 2010, 92 p.
Auteur
Anne Décoret-Ahiha est anthropologue de la danse, docteur de l'Université Paris 8. Conférencière, formatrice et consultante, elle développe des propositions autour de la danse comme ressource pédagogique et conçoit des processus participatifs mobilisant la corporéité. Elle anime les « Échauffements du spectateur » de la Maison de la Danse.
Générique
Sélection des extraits
Olivier Chervin
Textes et sélection de la bibliographie
Anne Décoret-Ahiha
Production
Maison de la Danse
Le Parcours "Les arts du mouvement" a pu voir le jour grâce au soutien du Secrétariat général du Ministère de la Culture et de la Communication - Service de la Coordination des politiques Culturelles et de l'Innovation (SCPCI)