La danse à la croisée des arts
2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien
Chorégraphe(s) : Massine, Léonide (Russian Federation) Nikolaïs, Alwin (United States) Bory, Aurélien (France) Merzouki, Mourad (France) Cherkaoui, Sidi Larbi (Belgium) Hervieu, Dominique (France) Guerry, Thomas (France) Rocailleux, Camille (France)
Parade
Massine, Léonide (France)
2008 - Réalisateur-rice : Picq, Charles
Chorégraphe(s) : Massine, Léonide (Russian Federation)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Vidéo intégrale disponible à la Maison de la danse de Lyon
Crucible
Nikolaïs, Alwin (United States)
1985 - Réalisateur-rice : Louis, Murray
Chorégraphe(s) : Nikolaïs, Alwin (United States)
Producteur vidéo : Pro Arts International
Les sept planches de la ruse
Bory, Aurélien (France)
2009 - Réalisateur-rice : Picq, Charles
Chorégraphe(s) : Bory, Aurélien (France)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Terrain vague
Merzouki, Mourad (France)
2006 - Réalisateur-rice : Picq, Charles
Chorégraphe(s) : Merzouki, Mourad (France)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Tempus Fugit
Cherkaoui, Sidi Larbi (Belgium)
2005 - Réalisateur-rice : Picq, Charles
Chorégraphe(s) : Cherkaoui, Sidi Larbi (Belgium)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Vidéo intégrale disponible à la Maison de la danse de Lyon
Le corbeau et le renard
Hervieu, Dominique (France)
2004
Chorégraphe(s) : Hervieu, Dominique (France)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Vidéo intégrale disponible à la Maison de la danse de Lyon
Echoa
Rocailleux, Camille (France)
2005
Chorégraphe(s) : Rocailleux, Camille (France) Guerry, Thomas (France)
Producteur vidéo : Maison de la Danse
Vidéo intégrale disponible à la Maison de la danse de Lyon
La danse à la croisée des arts
2018 - Réalisateur-rice : Plasson, Fabien
Chorégraphe(s) : Massine, Léonide (Russian Federation) Nikolaïs, Alwin (United States) Bory, Aurélien (France) Merzouki, Mourad (France) Cherkaoui, Sidi Larbi (Belgium) Hervieu, Dominique (France) Guerry, Thomas (France) Rocailleux, Camille (France)
Auteur : Anne Décoret-Ahiha
Découvrir
Pour le chorégraphe américain Merce Cunningham, « la danse est un art indépendant ». Mais, ajoute-t-il, d'autres éléments peuvent venir l'enrichir. En effet, depuis qu'en Occident, à la fin de la Renaissance, elle est devenue un art du spectacle, la danse n'est jamais vraiment seule en scène ! Elle s'habille de toiles peintes qui lui inventent un décor. Elle se pare de costumes qui soulignent, amplifient ou contraignent le geste du danseur et participent de sa texture. Elle s'enveloppe également de lumière, devenue grâce à la fée électricité, une ressource nouvelle pour la scène. Enfin, elle s'accorde aux mélodies et tempo d'un orchestre voué à son service. Ainsi, musiciens, écrivains, peintres mais aussi designers et costumiers se joignent au chorégraphe pour contribuer, ensemble, à la mesure de leurs qualités, à l'œuvre finale. Au delà de cette première forme de collaboration, liée à sa dimension spectaculaire, la danse est allée chercher dans d'autres arts une source d'inspiration lui permettant de renouveler son langage. Par la confrontation avec l'architecture, la musique, le cirque ou le théâtre, avec lesquels elle partage des territoires communs comme l'espace, le rythme, la virtuosité, la narration…, la danse explore des possibilités nouvelles et ne cesse de se réinventer. C'est ce qu'illustrent les huit séquences de ce Parcours. Un panorama qui souligne les ouvertures auxquelles la danse, art vivant, continue de se prêter.
Description
1. Une idée d'art total
Parade
Producteur et directeur de la troupe des Ballets Russes, Serge Diaghilev conçoit le ballet comme lieu de confluence entre les arts : danse, musique et peinture contribuent à égalité à l'œuvre créée. « Lorsque je produis un ballet, je ne perds de vue à aucun instant chacun de ces trois facteurs », disait-il. Au sortir de la première guerre mondiale, Diaghilev aspire à faire des Ballets Russes l'avant garde de la création artistique européenne et associe des peintres, des musiciens et des écrivains de la modernité. Le ballet Parade est ainsi crée en mai 1917, à Paris. C'est Jean Cocteau qui en a imaginé le sujet: une troupe de cirque ambulant parade devant un chapiteau et convie les passants à venir voir leurs numéros. Le compositeur Erik Satie signe la musique du ballet. Il y introduit un ragtime : ce sera la première apparition du jazz sur scène. Pablo Picasso, pour qui c'est la première collaboration avec le monde du spectacle, dessine les décors et costumes. Il pense son travail en articulation avec celui du chorégraphe, Léonide Massine. Pour les personnages des « managers », il réalise des constructions cubistes qui en font de véritables « hommes décors », dont la structure oriente la chorégraphie. Peintre et chorégraphe accomplissent ici, selon les mots d'Apollinaire, « l'alliance de la peinture et de la danse, de la plastique et de la mimique qui est le signe évident de l'événement d'un art plus complet » (Programme des Ballets russes, mai 1917).
Crucible
C'est cette même envie de faire se conjuguer, ensemble, tous les composants du spectacle qui fonde le travail d'Alwin Nikolaïs. Mais cette fois, c'est le chorégraphe lui-même qui a en main toutes les ficelles. Pas étonnant, cet artiste américain touche-à-tout a débuté comme marionnettiste ! Pour Nikolaïs, la chorégraphie est un art de la totalité dans lequel mouvement, couleur, forme et son interviennent de manière égale. Approchant la scène avec le regard d'un peintre ou d'un sculpteur, il fut l'un des premiers à attribuer à la lumière et aux techniques d'image un rôle dynamique. Les projections lumineuses à partir de diapositives, les effets d'optiques, comme ici, dans Crucible, transforment le corps des danseurs en une sorte d'écran mobile qui déploie des expositions de couleurs et esquisse des formes lumineuses. Par l'action combinée de la danse et de la lumière, c'est tout l'espace de la scène qui se met alors en mouvement pour produire un théâtre de l'abstraction, où chaque spectateur peut laisser libre cours à son imaginaire. Ces visions, souvent féeriques, valurent à leur créateur le surnom mérité de magicien !
2. L'architecture du mouvement
Les 7 planches de la ruse / Terrain vague
Dans Les 7 planches de la ruse, Aurélien Bory reprend le principe du Tangram, un jeu traditionnel chinois composé de 7 parties géométriques que l'on peut combiner de maintes façons. Sur scène, les blocs devenus géants de bois se déplacent, s'assemblent et construisent une architecture mouvante qui démultiplie les espaces possibles de la danse. Voilà donc le point de croisement entre architecture et art chorégraphique : tous deux travaillent la question de l'espace, de la perspective et de la perception du monde. Chez le danseur, le mouvement ne peut-il en effet pas être comparé à une architecture vivante que les trajets empruntés par son corps façonnent ? C'est ce que considérait, dès les années 1930, le théoricien et chorégraphe allemand Rudolph Laban, pour qui « l'espace est l'aspect caché du mouvement et le mouvement un aspect visible de l'espace ».
Alors, dans le Tangram géant d'Aurélien Bory, les assemblages géométriques proposent aux danseurs un faisceau de lignes, entre horizontalité et verticalité, qui prolongent, réduisent ou suspendent le geste. Provoquant un jeu de pleins et de vides, ils découpent des espaces dans lesquels les corps peuvent s'insérer, s'appuyer ou se risquer au déséquilibre. D'une manière similaire, dans cette séquence de Terrain vague, la chorégraphie de Mourad Merzouki signale la variété des points d'appuis dont la danse peut se saisir. Que ce soit au sol, véritable partenaire pour le break danseur, ou sur un mât qui convie à défier la pesanteur, le danseur peut varier ses points de contact – pieds, mains, tête - avec le support que lui offre la scène. Libre alors d'explorer les hauteurs célestes, il se fait acrobate ou voltigeur. C'est que la danse aime aussi parfois faire son cirque !
3. Quand la parole se joint au geste
Tempus fugit / Le corbeau et le renard
Mais qu'est-ce que tu racontes ? Voilà une question que l'on pourrait bien poser à la danse. Comment l'art chorégraphique peut-il « dire » sans procéder d'un texte, sans recourir à la parole, avec comme seul support le corps et le geste ? A-t-il pour ambition de retracer une histoire ? Ce fut précisément l'un des enjeux de la danse moderne qui voulut s'écarter du modèle théâtral dont le ballet s'était rapproché, au 18° siècle, et s'affranchir de ses conventions narratives. Dans les années 1960, Merce Cunningham énonça l'idée que le mouvement « est expressif au-delà de toute intention » : il ne raconte rien d'autre que lui-même et la danse parle de ce que c'est que d'être vivant. Cette conception qui trancha résolument avec les codes du genre chorégraphique et déboucha sur une approche très formelle du mouvement n'empêche pas des chorégraphes d'aujourd'hui de renouer avec la théâtralité et d'en appeler si besoin au texte, aussi bien pour « dire » que pour jouer. Dans Tempus Fugit, du chorégraphe belge Sidi Larbi Cherkaoui, la danseuse prend soudainement la parole. Mais sa voix est bien vite rattrapée par le geste. Comme si les mots ne suffisaient pas – ou bien tout simplement dérangent-ils - les autres danseurs en (re)viennent vite aux mains, dans une sorte de langue des signes mi inventée, mi empruntée à la danse indienne. Mais voilà que la scénette rebascule du côté de la danse, dans un clin d'œil fantaisiste au cinéma musical de Bollywood.
Quant à Dominique Hervieu, c'est au cinéma de Georges Méliès qu'elle emprunte un procédé, celui du trucage, pour mettre en scène, à sa manière, la fable de La Fontaine, Le Corbeau et le renard. Plutôt que d'illustrer ce morceau de littérature, elle choisit de recourir à des effets de montage. Sur le texte d'abord, qui, récité en plusieurs langues, se transforme en matière sonore de la chorégraphie. Celle-ci se superpose également aux projections vidéos, confrontant alors le réel à l'imaginaire, le vivant au virtuel pour livrer de l'histoire d'origine une lecture décalée, aux accents métisses.
4. Vous dansiez ? Et bien jouez maintenant !
Echoa / El Farruquo y su grupo
Ce sont des histoires sans paroles que nous dévoilent les quatre protagonistes d' Echoa, un spectacle de Thomas Guerry et Camille Rocailleux. Si les interprètes empruntent une forme de pantomime, ils mettent en jeu leur corps aussi bien dans sa capacité gestuelle que musicale. La respiration, le buste, la bouche se transforment en instrument de musique et participent d'une manière sonore à la chorégraphie. Ici, danseur et musicien se confondent, se font écho. C'est que la danse a l'air d'avoir toujours été inséparable de la musique. Pourtant, au XX° siècle, elle s'en est progressivement émancipée jusqu'à accéder à une totale autonomie. Dès les années 1950, Merce Cunningham décida ainsi que sur scène, les deux arts auraient pour seul lien une durée commune, chacun opérant de manière simultanée mais complètement indépendante. La musicalité de la danse se déploie alors selon des critères uniquement chorégraphiques. Il est pourtant des danses qui entretiennent avec la musique un rapport étroit voire fusionnel. Le Flamenco est l'une d'entre elles. Dans cette séquence, le jeune et talentueux Farruquito enchaîne avec ardeur une série de "taconéos" – frappés de talons – défiant le rythme des guitares et des "palmas" –accompagnement des mains -, sous les encouragements passionnés des musiciens et des chanteurs. Ici, c'est le pied du danseur qui, par ses trépidations, devient instrument de percussion et participe pleinement à l'interprétation musicale.
Approfondir
Ouvrages
AMAGATSU, Ushio, DE VOS, Patrick (trad.). Dialogue avec la gravité. Arles : Actes Sud, 2000. 43 p. (Le Souffle de l’Esprit).
BEJART, Maurice. Lettres à un jeune danseur. Paris : Actes Sud, 2001. 45 p. (Le Souffle de l'Esprit).
BOUCOURECHLIEV, André. Igor Stravinsky. Paris : Fayard, 1982. 427 p. (Les indispensables de la musique).
Centre national de la danse, Département du développement de la culture chorégraphique, Cité de la musique (collab.). La formation musicale des danseurs. Pantin : Centre national de la danse, 2005. 38 p. (Cahiers de la pédagogie).
DUVIN-PARMENTIER, Bénédicte. Pour enseigner l'histoire des arts : regards multidisciplinaire. CRDP de l'Académie d'Amiens, 2010. 270 p. (Repères pour Agir Second Degré).
NOISETTE, Philippe. Couturiers de la danse. Paris : Editions de La Martinière, 2003. 163 p.
Articles et revues
« Cirque et danse : un rapport ambivalent de séduction », in Arts de la piste, 2005, n° 36, Paris, Artcena, p. 15-39. (Hors les murs).
CORIN, Florence (dir.). « Danse et architecture », in Nouvelles de danse n° 42/43, Bruxelles, Contredanse, novembre 2003. 218 p.
IZRINE, Agnès. « Les ballets russes », in Danser Hors série, Monaco, éd. du Rocher, 2010, 119 p.
Auteur
Anne Décoret-Ahiha est anthropologue de la danse, docteur de l'Université Paris 8. Conférencière, formatrice et consultante, elle développe des propositions autour de la danse comme ressource pédagogique et conçoit des processus participatifs mobilisant la corporéité. Elle anime les « Échauffements du spectateur » de la Maison de la Danse.
Générique
Sélection des extraits
Olivier Chervin
Textes et sélection de la bibliographie
Anne Décoret-Ahiha
Production
Maison de la Danse
Le Parcours "La danse à la croisée des arts" a pu voir le jour grâce au soutien du Secrétariat général du Ministère de la Culture et de la Communication - Service de la Coordination des politiques Culturelles et de l'Innovation (SCPCI)