QUDUS ONIKEKU : Se réapproprier une mémoire oubliée
- RETROUVER LA MEMOIRE ET LA TRANSMETTRE
- DANSER : S’ENGAGER AVEC LA JEUNESSE
- L’ANTIDISCIPLINARITE : NOUVELLE PRATIQUE POUR AGIR SUR LE TERRAIN
Qudus Onikeku est un chorégraphe nigérian. Très jeune, il commence à pratiquer l’acrobatie et la danse au Nigeria et poursuit sa formation en France au CNAC (Centre National des Arts du Cirques). Il crée dans un premier temps la YK compagnie à Paris puis retourne à Lagos, sa ville d'origine pour ouvrir le QDanceCenter et la QDance compagny en 2014. Il mène de nombreux projets à travers le monde qui mêlent la danse traditionnelle africaine et contemporaine au hip-hop et à l'acrobatie mais également la musique et la vidéo.
« Je travaille à créer une identité de mouvement qui fusionne la danse et l’acrobatie. Elle prend ses racines dans ma philosophie traditionnelle Yoruba et empreinte à différentes influences tel que le hip hop, la capoeira, le tai-chi et la danse contemporaine, pour faire naître une compréhension de la danse, de l’art, de la politique et tout ce qu’il y a entre ces sphères. » Qudus Onikeku
RETROUVER LA MEMOIRE ET LA TRANSMETTRE
Qudus Onikeku explore dans son travail, différents aspects de la mémoire comme la mémoire spirituelle, culturelle et corporelle.
Troisième volet d'une trilogie de solo de danse, composé de My Exil in my head (2010) qui traite de la solitude, et Still-Life (2011/2012) sur la tragédie, Qaddish (2013) questionne la mémoire, et plus particulièrement celle des traditions de ses ancêtres. Il travaille à partir de l’histoire de son père, pour retrouver une mémoire enfouie. Le chorégraphe vit cette expérience comme un voyage conscient où la danse permet d’incarner les souvenirs de son père. Sa danse est composée de mouvements issus de différentes cultures, accompagné par le Kaddish de Maurice Ravel, chant juif pour les morts, interprété en live
Qaddish (2013) - QDance Company
« Ma mémoire consciente est la modernité, mais ma mémoire inconsciente est la tradition. [...] Pour nous, en Afrique, il n’y aucun conflit entre la tradition et la modernité. Ils vivent ensemble. » Qudus Onikeku pour rfi.fr, 2013
Spirit Child (2019) - Qudus Onikeku
Spirit Child est un solo du chorégraphe et danseur Qudus Onikeku, créé en 2019 et accompagné par trois musiciens live. Inspiré par la mythologie Yoruba, il met en scène Azaro, un enfant-esprit qui voyage entre le monde des vivants et le monde des esprits. Le chorégraphe parle d'entrer en état de transe ; c’est pour lui une quête de vérité qui est le but même de la danse. Qudus Onikeku définit cet état comme une transportation, transition et une transmission.
« C’est un voyage qu’on ne peut pas faire physiquement, il faut passer par un tunnel. Il faut passer par une transition. C’est une métaphore sur le comment on peut entrer dans cette transition, passer à un autre registre qui n’est pas sur terre. » Qudus Onikeku pour rfi.fr, 2013
Re:incarnation est le résultat de cinq années de recherche axée sur la mémoire corporelle, menée avec de jeunes danseur.ses nigérian.es. Ce projet se construit sur les concepts de réincarnation (naissance, mort, renaissance) et une perception du temps et d'un espace cyclique. Pour Qudus Onikeku, il s'agit de rendre hommage à la musique nigériane, repensé par le dancehall, le hip-hop, l'électro ou l'afrobeat et composé de mouvements qui expriment l'énergie de Lagos. Ces jeunes danseur.ses se réapproprient ces héritages pour les ré-incarner au présent.
« C'est la création d'une pièce collective qui va montrer la profondeur de la culture noire, de sa joie, pure et intransigeante. » Qudus Onikeku – Note d’intention de Re:incarnation, 2021
DANSER : S’ENGAGER AVEC LA JEUNESSE
« Cette transmission de mémoire à pour but la guérison pour les danseurs, le public et même la société. » Qudus Onikeku pour France Culture, 2021
Le chorégraphe conçoit sa pratique artistique comme un acte engagé. Il fait s’entremêler des réflexions spirituelles et intimes avec des sujets socio-culturels et politiques qui composent la société nigériane et plus largement africaine. Pour l’artiste, il est important d’intégrer la jeunesse dans ses créations car c’est par elle que les transformations se feront.
Le spectacle Yuropa, créé en 2018 parle de l’immigration en mettant en scène trois danseur.ses. Les interprètes montrent avec les corps lourds et les voix répétitives, la souffrance et les obstacles que subissent les migrant.es Africain.es sur le chemin de l’exil.
« J’ai examiné de près les questions de « l’Afrique contemporaine », ses esthétiques et son identité dans son sens le plus large; les différences, le discours à ce sujet, les jeux de pouvoir, l’instabilité, le chauvinisme, le colonialisme, l’hégémonie, la migration, l’exil et la grande confusion qu’ils produisent tous ensemble, dans mon quotidien et dans celui de l’humanité. » Qudus Onikeku - The Quest
Le travail de réappropriation d’une mémoire oubliée est pour lui essentiel car il permet aux nouvelles générations d’affirmer leur identité et de prendre le pouvoir sur leur présent et sur les problématiques qui traversent leurs sociétés. Le projet Rainmakers revendique la puissance d’agir des individus dans le collectif. Créé en 2017, il raconte le rassemblement de personnes différentes qui par leur union, leur énergie et leur danse parviennent à faire tomber la pluie et ainsi changer l’ordre des choses.
L’ANTIDISCIPLINARITE : NOUVELLE PRATIQUE POUR AGIR SUR LE TERRAIN
Pour pouvoir replacer l’art dans une réalité sociétale, Qudus Onikeku veut supprimer le concept de discipline, qui rigidifie la pratique artistique. Il parle “d’antidisciplinarité” et étend cette idée à la sphère du non artistique.
Selon lui, faire disparaître les frontières entre les disciplines permet de parler de sujets concrets. C’est le mélange des personnes de tous horizons qui, libérées de préjugés, est capable d’apporter de la créativité, de la collaboration et de l’ouverture.
Le chorégraphe exprime très fortement sa volonté de participer à la vie de la société nigériane par la création artistique.
Pour cela, il fonde en 2014 avec Harajat Ali le QDance Center à Lagos. Le lieu a la vocation d’offrir un espace de partage et de formation amateur et professionnel autour de pratiques artistiques comme la danse et le théâtre. La structure se donne pour mission l’intégration professionnelle des jeunes et l'accès à la culture à toutes et à tous.
Qudus Onikeku participe aussi à la vie culturelle de la ville en créant avec Onye Ozuzu en 2017 le danceGATHERING, un festival qui rassemble des personnes de tous horizons et pratiques pour une semaine de rencontre et d’expérimentation artistique, et se termine par un grand weekend ouvert au public. L'”antidisciplinarité” du festival fait émerger des pratiques singulières. Celles-ci sont l’occasion pour les participant.es de se retrouver autour de thématiques liées à la reconnaissance et au développement de la pratique artistique africaine.