Dansons Maintenant ! Festival de danse contemporaine au Bénin
- 2011 : Une expo photo devenue festival de danse contemporaine
- 2012 : Si la ville m’était contée
- 2015 : African Record
En 2011, 2012 et 2015, « Dansons maintenant ! » constitua un événement fort de la danse contemporaine en Afrique de l’Ouest. Créée et organisée par la Fondation Zinsou, cette manifestation conçue comme un festival non récurrent accueillit quelques-unes des grandes figures de la danse contemporaine africaine et contribua, au travers de spectacles, ateliers, formations et conférences à favoriser le développement de la danse contemporaine au Bénin.
Agissant comme producteur commanditaire, la Fondation rendit possible la création de pièces chorégraphiques qui allaient ensuite circuler en France et dans le monde. Soucieuse de garder une trace de ces évènements, elle constitua des archives vidéo qui, jusqu’à présent, n’étaient pas accessibles.
Elle a accepté d'en confier une sélection à Jaï Production, contribuant ainsi à fournir des ressources et contenus nécessaires pour documenter l’histoire récente de la création contemporaine en Afrique.
Au travers des 12 séquences présentées ici, auxquelles s’ajoutent 9 extraits d’interviews de danseurs et chorégraphes, présents dans la collection « Dansons Maintenant ! », se dessinent les contours d’une consolidation du champ chorégraphique africain, qui se manifeste depuis ces quinze dernières années, en particulier au Bénin.
Photo de couverture : Richard Adossou, dans L’Essence de notre danse, Awoulath Alougbin, 2011. Production Fondation Zinsou.
© Léandro Carignano
2011 : Une expo photo devenue festival de danse contemporaine
L’origine de l’événement intitulé « Dansons Maintenant ! » qui donnera lieu à trois éditions en 2011, 2012 et 2015, est une exposition de photographies de danse. D’avril à juin 2011, la Fondation Zinsou présente 37 photographies du photographe français Antoine Tempé qui a réalisé de nombreux portraits de danseurs et chorégraphes africains et afro-américains. Les clichés sont exposés en format 3mX3 sur 19 containers installés, en extérieur, sur une place publique, en plein cœur de la capitale béninoise. A l’intérieur de chaque conteneur défile en continu un programme de vidéos consacrées aux différents styles chorégraphiques (classique, contemporain, jazz, danse – théâtre) ainsi qu’à des grandes figures de la danse (Sylvie Guilhem, Pina Bausch, Philippe Decouflé, Bill T. Jones).
Dans le cadre de la médiation culturelle autour de l’Exposition, la Fondation passe commande à cinq chorégraphes dont deux Béninois pour une pièce in situ de 20 minutes, conçue en résonance avec les images accrochées, où le corps vivant répond au corps exposé. Les pièces de Awoulath Alougbin, Marcel Gbeffa, Salia Sanou, Marceline Lartigue et Christine Bastin sont ainsi présentées en déambulation entre les containers ou sur un praticable en extérieur.
Trader installé à New York, Antoine Tempé qui pratique la danse en amateur se lance dans la photographie en 1989. « A l’époque, le plus facile, raconte-t-il, c’était de photographier des amis danseurs : des modèles faciles et naturels. C’est comme ça que je me suis mis à photographier des danseurs ». A partir de 1999, il sillonne l’Afrique et effectue des reportages sur les compagnies et festivals de danse contemporaine qui se développent et créent en Afrique. Ses images composent ainsi un témoignage sur la première génération d’artistes chorégraphiques africains qui émerge à l’orée du XXI° siècle.
« Je suis arrivé à la photographie par la danse. »
Antoine Tempé
La danseuse et chorégraphe béninoise Awoulath Alougbin, qui appartient à la première génération de danseurs contemporains du Bénin, se voit passer une commande par la Fondation Zinsou pour deux spectacles en extérieur : L’Essence de notre danse, pour 12 danseurs, présenté lors du vernissage de l’Exposition et ce solo, qu’elle interprète sur un plateau installé devant le conteneur principal.
« Pour moi, danse contemporaine et danse rituelle sont proches.
Les danseurs rituels ont une manière d’improviser. Dans la danse contemporaine,
il y a des moments où l’on entre en transe. »
Awoulath Alougbin
Fondateur en 2008 du Centre chorégraphique Multicorps à Cotonou, le jeune chorégraphe Marcel Gbeffa propose deux créations suite à la commande de la Fondation Zinsou. Un duo, Le Couloir sombre de l’amour, et une pièce collective Sans regard, pour laquelle il investit l’espace entier de l’exposition. Le corps enduit de poudre de kaolin, les danseurs surgissent de derrière les containers, au grand étonnement des spectateurs et passants, et avancent jusqu’au praticable central en effectuant des mouvements de Zinli, danse traditionnelle du Bénin – originellement une danse de funérailles – dans un ralenti qui n’est pas sans évoquer le Butoh de Daïrakuda Kan. Le tableau suivant débouche sur un solo du chorégraphe qui, dans son travail, explore la part animale de l’individu.
Venue au Bénin dans le cadre de recherches sur le rituel et les danses Vodoun, la chorégraphe française Marceline Lartigue y est restée six ans. Elle a travaillé avec des danseurs du Conservatoire des danses cérémonielles et royales d’Abomey ainsi qu’avec les danseurs de Cotonou qui se lançaient dans la danse contemporaine. Elle entame une collaboration avec Marcel Gbeffa et c’est naturellement que, suite à la commande de la Fondation Zinsou, elle lui chorégraphie un solo.
« J’ai beaucoup apprécié de travailler avec Marceline. Elle n’imposait pas de technique.
C’est un travail qui aide le danseur à s’ouvrir, qui amène à créer à travers son imaginaire,
sa culture. »
Richard Adossou
2012 : Si la ville m’était contée
Forte de l’immense succès rencontré par l’Exposition « Dansons maintenant ! » en 2011 (plus de 100 000 visiteurs), La Fondation Zinsou décide de réitérer l’expérience et d’en faire un événement récurrent, sans périodicité donnée, basé sur la coproduction de spectacles. Si les photographies d’Antoine Tempé constituaient le thème imposé du premier événement, c’est la thématique de l’urbain qui est au cœur des commandes passées aux chorégraphes.
« De l’art urbain au street art, de la rue aux lieux publics, de Basquiat à Bansky … des bombes de graf aux pochoirs de taf, des films Faites le mur ! à Bomb it, du rap au break dance, du hip hop à la culture urbaine, du Slam au DJ, du Message politique au message social, des murs de SoHo à ceux de Brooklyn, laissez-vous porter au gré de vos inspirations ; tout est possible. »
L’événement est accueilli sur la scène de l’Institut Français de Cotonou et inclut deux spectacles de danse déjà programmés par ce dernier : la Française Mathilde Monnier et la jeune compagnie ivoirienne installée au Bénin : Jasp’ Cie. Salia Sanou en est le parrain. Pendant deux semaines, ce dernier anime un atelier ouvert à tous qui donnera lieu à une restitution intitulée « Souvenirs de la rue Princesse », sur la place du Champ de Foire, avec une cinquantaine de danseurs et plus de 800 spectateurs.
Cette édition est aussi l’occasion de faire venir, au Bénin, le premier tapis de danse, offert par le Théâtre de la Ville de Paris et qui sera ensuite donné au Centre chorégraphique Multicorps.
Alors que la guerre sévit dans son pays, la Côte d’Ivoire, le danseur et chorégraphe Abdoulaye Trésor Konaté se réfugie au Bénin. Avec les deux autres danseurs ivoiriens de la compagnie JASP, ils vont développer à Cotonou une activité de danse contemporaine et participer à la formation et à l’émergence d’une nouvelle génération de danseurs contemporains béninois.
Danseuse au Ballet national du Bénin jusqu’en 2004, Rachelle Agbossou a fait partie, avec Awoulath Alougbin, du collectif SACAM qui a contribué à l’essor de la danse contemporaine au Bénin. Avec sa compagnie Walô (qui signifie « comportement » en langue Fon), elle s’implique depuis 2005 dans la formation des jeunes danseurs ainsi que dans des programmes éducatifs dans les écoles et auprès des enseignants.
« Être artiste nous oblige à être un exemple pour les plus jeunes qui nous regardent. »
Rachelle Agbossou
Pour cette nouvelle commande de la Fondation Zinsou, Awoulath Alougbin fait appel à trois danseurs urbains. Le hip hop commence alors tout juste à se diffuser au Bénin. Arouna Guindo, Kevin Adjalian et Aaron Tchibozo figurent parmi les premiers Bboys reconnus du pays. Le premier, qui apparaît ici, développe un style acrobatique qu’il articulera plus tard avec une recherche sur la résonance entre danses urbaines et danses traditionnelles et cérémonielles du Bénin. Kevin Adjalian créera Djembé, la première compagnie de danse contemporaine d’inspiration hip hop au Bénin, ainsi que la Street Motion School, école nomade de danse hip hop, ou encore She is on fire, premier festival hip hop féminin.
« Un tel festival, c’est un stress H 24. Il faut gérer des problèmes tels
que coupures de courant, pluies tropicales. Sur les gros spectacles,
on a fait appel à des coupeurs de pluie. »
Aurélie Lecomte, directrice de la médiation culturelle de la Fondation Zinsou en 2012.
Venu de l’univers du hip hop, ancien rappeur, Andréya Ouamba a déjà plus de quinze ans de création chorégraphique derrière lui lorsqu’il accepte la commande de la Fondation Zinsou. Congolais, il s’est installé au Sénégal en 1999 et y dirige la compagnie Premier Temps depuis 2000, que le béninois Marcel Gbeffa a rejoint en 2008. Pour cette création, Andréya Ouamba se lance dans l’exploration du numérique, lui qui confessait avoir plutôt eu peur de la vidéo sur scène.
2015 : African Record
En 2015, « Dansons maintenant ! » s’inscrit dans les différentes manifestations au programme des 10 ans de la Fondation Zinsou et se veut articulée avec l’Exposition « African Records » qui retrace, au travers des pochettes de disques et photographies d’époque, l’histoire de la musique africaine des années 1950, 1970 et 1980. Une compilation de 23 titres musicaux fournit le motif de la commande adressée aux chorégraphes invités. Libres à ces derniers de s’inspirer d’un son, du texte d’une chanson, de la vie d’un chanteur, d’un musicien, ou encore des visuels de l’exposition : pochette de disque, photographies d’orchestre ou de soirées dansantes…
Cette troisième édition voit la mise en place d’un journal gratuit, distribué sur une dizaine de points dans la ville . Chaque jour, du 31 janvier au 8 février 2015, une équipe de rédacteur, photographe, illustrateur et dessinateur, dont Hector Sounon, un bédéiste béninois internationalement connu, s’active pour produire un quotidien qui à la fois annonce et rend compte des activités du festival : ateliers de danse, de photo de danse, conférences, spectacles….
Marraine de l’édition, Germaine Acogny qui revient sur sa terre natale, inaugure le festival par son solo prière dansé sur la place des Martyrs, l’une des places centrales de Cotonou.
« Le public est assis sur les marches du monument aux morts. Germaine choisit de faire un solo sans musique. On est en pleine ville, avec des vendeurs de rue mais dans mon souvenir, il n’y a pas un bruit. On est en train de vivre un truc exceptionnel »
Aurélie Lecomte, directrice générale de la Fondation Zinsou en 2015
Régional de l’étape, le béninois Marcel Gbeffa a présenté une création à chacune des trois éditions de « Dansons Maintenant ! ». Le Centre chorégraphique qu’il a co-crée attire désormais une bonne centaine d’élèves, l’obligeant à trouver un espace plus approprié. Depuis 2013, en face de la Place des Martyrs, dans le quartier de Cadjehoun, le Centre Multicorps, reconnaissable à sa façade mauve, accueille dans ses deux studios des cours de danse et des résidences de création, devenant un point central du développement chorégraphique au Bénin.
Comme pour Germaine Acogny, l’édition 2015 de « Dansons Maintenant ! » est l’occasion pour Julie Dossavi de revenir au Bénin, patrie de ses origines. Ainsi, le temps d’un festival, la diaspora chorégraphique béninoise se retrouve-t-elle à Cotonou ! Pour Julie Dossavi, ce retour sur la terre de ses ancêtres provoque en elle une émotion puissante. Elle en concevra le solo La Juju, programmé lors d’une soirée composée avec la sénégalaise Fatou Cissé. Commande du festival, La Juju sera repris dans un format plus long et tournera en France.
« Danser à Cotonou a été un grand moment pour moi, parce que
ça fait des années que j’essaie de danser ici…
Ça a été très fort de voir la réaction des gens.
Je ne pensais pas qu’ils allaient réagir comme ça. »
Julie Dossavi
Après 6 années passées en France, le danseur et chorégraphe nigérian Qudus Onikeku décide de rentrer dans son pays en 2013. Sa notoriété grandissante et sa proximité – Cotonou est à 120 km de Lagos - convainquent la Fondation Zinsou de lui commander une pièce pour la 3° édition du festival. L'homme est alors en pleine réflexion sur son positionnement d’artiste et sur la place du spectateur. Première pièce créée depuis son retour sur le continent, Africaman original pose les jalons d’un cheminement qui se poursuivra dans ses créations suivantes. Depuis 2015, ce solo continue d’être joué. Le 30 septembre 2022, il était donné à Atlanta, dans une galerie.
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Le Journal, quotidien d’information de l’événement “Dansons maintenant!”, édition 2015
Le Journal, n°1, 31 Janvier 2015
Journal de l’Exposition “African Records”, Fondation Zinsou, Janvier - Juin 2015
Également dans la collection “Dansons maintenant !” :
Interview de Patrick Acogny, 2012
Interview de Richard Adossou, 2012
Interview de Awoulath Alougbin, 2012
Interview de Marcel Gbeffa, 2012
Interview de Andréya Ouamba, 2012
Interview de Germaine Acogny, 2015
Interview de Seydou Boro, 2015