COLLECTION BAGOUET
Dominique Bagouet a créé plus de 45 pièces en 15 ans. Certaines ont marqué le paysage chorégraphique entre 1980 et 1992, année de sa disparition. Cette collection montre les œuvres les plus emblématiques et s’enrichit au fur et à mesure de films liés à la transmission de son répertoire grâce au travail mené par l’association Les Carnets Bagouet créée par ses interprètes après sa disparition.
La collection complète des vidéos Bagouet par ici.
Dominique Bagouet
Angoulême, 9 juillet 1951
Montpellier, 9 décembre 1992
Elève de Rosella Hightower à Cannes dès 1965, il reçoit un enseignement classique et trouve son premier engagement chez Alfonso Cata au Ballet du Grand Théâtre de Genève en 1969. L’année suivante il danse dans la compagnie de Félix Blaska puis entre aux Ballets du XXème siècle de Béjart à Bruxelles. L’expérience dure deux ans et se prolonge dans le groupe Chandra (où travaillait aussi Maguy Marin).
De retour à Paris en 1974, Dominique Bagouet prend des cours avec Carolyn Carlson et Peter Goss. Il danse aussi dans les compagnies de Joseph Russillo, Anne Béranger et Peter Goss. Il part ensuite aux Etats-Unis où il découvre les techniques issues des écoles américaines.
En 1976, à son retour en France, il présente sa première chorégraphie : Chansons de nuit au Concours de Bagnolet et remporte le premier prix avec mention recherche. Il fonde alors sa propre compagnie. Pour la faire vivre, il va enchaîner les créations à un rythme très soutenu qu’il déplore. Jusqu’en 1979, il crée quatorze pièces, parfois dans l’urgence et pas toujours de façon satisfaisante.
Avec Ribatz, Ribatz ! et Voyage organisé, le jeune chorégraphe commence à s’imposer et trouve un havre : la ville de Montpellier qui accueille la compagnie et lui donne les moyens d’exister puisqu’il est invité à mettre sur pied et à diriger le Centre chorégraphique régional de Montpellier. Il créera d’ailleurs dans cette ville le Festival International Montpellier Danse qu’il dirigera jusqu’en 1982.
L'œuvre chorégraphique
A Montpellier, Dominique Bagouet va créer certaines des pièces les plus marquantes de la chorégraphie contemporaine française, d’Insaisies (1982) jusqu’à Necesito, pièce pour Grenade (1991), ultime commande réalisée pour célébrer le 500ème anniversaire de la ville espagnole.
Avec des pièces comme Déserts d’amour (1984), Le Crawl de Lucien (1985) ou Assaï (1986), Dominique Bagouet impose clairement sa personnalité et son style. Toutes ces pièces sont marquées par un style gestuel très particulier, parfois qualifié de « néo-baroque », mais surtout très recherché et subtil. La démarche chorégraphique de Dominique Bagouet compose le mouvement de très nombreux petits gestes (jeux des pieds et des mains, inclinaison particulière du torse...) sans aucun maniérisme et d’une redoutable précision.
Autre constante, le chorégraphe a toujours su s’entourer d’artistes au talent reconnu. Il y eut Christian Boltanski, Pascal Dusapin pour Le Saut de l’ange (1987), Tristan Murail pour Déserts d’amour ou l’actrice Nelly Borgeaud pour le superbe Meublé sommairement (1989), adaptation chorégraphique d’un roman d’Emmanuel Bove.
Avec Charles Picq, il a réalisé deux films : Tant mieux, tant mieux ! (1983) et Dix anges, portraits (1988) d’après Le Saut de l’ange.
Les carnets Bagouet
La disparition de Dominique Bagouet en 1992 a posé avec brutalité la question de la mémoire du répertoire chorégraphique contemporain. Les membres de sa compagnie fondent les Carnets Bagouet dont le principe est la désignation des danseurs eux-mêmes comme principaux « carnets » de l’œuvre, comme lieu principal de l’écriture du chorégraphe. L’objectif premier consiste à trouver collectivement la réponse à la question cruciale : que faire avec cette danse, comment la garder vivante, comment la sauver de l’oubli ?
Les Carnets Bagouet sont nés du désir de donner la danse de Dominique Bagouet à d'autres danseurs et ont ainsi ouvert le champ du répertoire contemporain, notion devenue évidente aujourd'hui. Ce désir est toujours présent, différemment sans aucun doute, puisque les chemins parcourus depuis sont si variés. Mais l'expérience de ces artistes interprètes se place à d'autres endroits, sur d'autres territoires, sous d'autres formes, et le travail de transmission continue de s'accomplir.
Dans la confrontation à d'autres danseurs, commanditaires, structures, les choix de l'action ont imposé une discussion permanente des moyens, des méthodes, des objectifs. Les réponses se sont chaque fois situées dans le collectif, dans le partage et le débat, au sein de la cellule de réflexion bientôt nommée "conseil artistique". Accepter la diversité des avis, laisser s'exprimer la parole contradictoire, les remises en cause. Plus que cela, accepter que la contradiction ne soit pas résolue dans la parole. Faire l'expérience du temps, de la durée, reconnaître ce qui relève du deuil, pour trouver chacun sa distance propre.
Aujourd'hui, un regard sur ces vingt-cinq années révèle une réalité bien différente de celle qui était posée à l'origine. La multiplicité des réponses, des manières de faire, des supports, des formulations, fait qu'au lieu d'apparaître limité, le travail de mémoire s'ouvre. Au nombre prévisible et relativement clos de tâches se substitue le travail d'une ouverture vers de nouveaux projets.
L'objectif de conserver vivante la danse de Dominique Bagouet s'est dissout. La trace est vivante dans les danseurs, pour un temps. Nous savons que la danse de Dominique n'est plus. Le travail du sensible maintenu en éveil par la force de ce collectif découvre une nouvelle nécessité, à côté du travail sur le répertorie, celle de l'ouverture à d'autres regards, à d'autres pensées, celle de la confrontation, dans le travail de mémoire, à d'autres disciplines, à d'autres modes de réflexion, à d'autres modes d'action, à des personnes qui n'ont pas rencontré, elles-mêmes, Dominique Bagouet.