CHRISTIAN & FRANÇOIS BEN AÏM ET L'ÉLAN VITAL - échappées chorégraphiques salvatrices
Christian et François BEN AÏM sont frères. Depuis plus de vingt ans, ils construisent une œuvre riche de poésie et d’exigence, de lien fraternel et de singularité.
A l’issue d’une formation pluridisciplinaire mêlant danse, théâtre physique et cirque, chacun suit son parcours d’interprète. Puis les deux frères se retrouvent pour créer À l’abri du regard des hommes, avant d’aller mourir ailleurs, une pièce hybride danse-théâtre qui marque le début de leur collaboration en 1997.
Avec cette exposition virtuelle et à travers la démarche du tandem fraternel, pénétrons dans le monde des BEN AÏM et dans l’univers de leur dernière pièce : FACÉTIES.
LA DÉMARCHE DU TANDEM FRATERNEL
1. Incarnation
La danse du duo BEN AÏM frappe d’abord par son engagement physique. Quels que soient les thèmes ou les intentions d’une pièce, ils sont portés par une physicalité affirmée qui semble traverser les interprètes, sans concession.
Cet engagement physique se double d’un engagement psychique, convoquant le ressenti et les émotions des interprètes, leur rapport intime au mouvement. Matériau essentiel lors de la création, ce niveau sensible est également convoqué à chaque instant de l’interprétation. Une exigence qui met l’interprète au cœur de la pièce et le place dans une pleine sincérité de sa présence au plateau.
Le danseur n’est pas, pour les deux chorégraphes, un simple passeur de mouvements, il fait l’expérience du sensible et la catalyse pour le spectateur.
2. De l’énergie à la forme
La danse des frères BEN AÏM procède avant tout de l’énergie, et se définit moins par une organisation plastique que par la mise en formes d’états et d’énergies plurielles. Pour autant, leur écriture sait se faire extrêmement précise, ciselant les ruptures, les suspensions, auscultant par le geste des états de corps méconnus ou encore en dialoguant avec des références chorégraphiques. L’enjeu réside alors dans deux objets : la clarté de la forme seule, et la justesse de l'état convoqué chez l'interprète à chaque fois qu'il la réalise.
La composition des pièces procède de cette même alchimie entre le sensible et le formel. Reposant sur des séquences clairement identifiables, elle joue pourtant de subtils effets de glissements et de superpositions qui brouillent les cartes d’une géométrie apparente. Car la conduite des œuvres réside moins dans l’ordre d’un récit que dans l’art de moduler les flux – rythmiques, visuels, sensibles – pour entraîner le spectateur au gré d’un parcours d’impressions savamment construit.
3. Imaginaires
« Nous appréhendons ce qui nous entoure avec la singularité d’un regard qui engage l’imaginaire et le symbolique, en traquant les signes d’une humanité enfouie, oubliée, avec la persistance obstinée des chercheurs d’or. » - Christian & François BEN AÏM
C’est peut-être l’un des traits les plus repérables du « style BEN AÏM » : la présence d’un univers poétique, dont la richesse visuelle et sonore ouvre le regard du spectateur et porte la danse autant qu’il lui fait écho. Fourmillant d’images, de références, de symboles, l’imaginaire des chorégraphes emprunte au rêve, au merveilleux du conte ou à la réalité invisible du surréalisme ; il suggère un monde bruissant de mille échos, d’éclats furtifs qu’il s’agit de saisir ou d’approcher pour en entrevoir le mystère.
Pluridisciplinaire, l’écriture s’appuie sur la musique et l’image comme elle emprunte au théâtre : non pour y puiser des motifs ou des situations, mais pour nourrir la danse de leur richesse expressive. Le mouvement s’écrit dans un dialogue intime avec les rythmes et les couleurs d’une partition originale, souvent jouée en live et écrite pour la pièce.
4. Une poétique de l'instable
Christian & François BEN AÏM définissent le mouvement comme un décalage et la danse comme un cheminement. « Faire un pas, c’est faire un écart par rapport à soi et prendre le risque de la nouveauté » écrivent les chorégraphes. En explorant la fraternité, le désir ou l’émancipation dans leur richesse contradictoire, en interrogeant les normes dans leur ambivalence, ils abordent chaque pièce comme un exercice de déséquilibre ; une expérience dont l’enjeu est de s’approcher du vide, perçu comme l’endroit d’un danger.
C’est ce déplacement intérieur qui se joue sur le plateau, faisant de chaque pièce une traversée, un parcours jalonné de transformations qui déplacent à leur tour le regard du spectateur. Par un subtil effet d’empathie et de contamination, les frères BEN AÏM nous entraînent dans un monde où rien n’est stable, où les vérités se troublent et se réinventent ; un monde à interroger ensemble.
FACÉTIES - UN LANGAGE SINGULIER DÉDIÉ À L’INCONGRU
Avec FACÉTIES et son approche atypique du comique, les chorégraphes s’ouvrent un nouveau terrain de jeu pour poursuivre la recherche sur leur écriture d’une danse du dessaisissement. Accidents, surprises, détournements, provoquant des réactions en chaîne inattendues, constituent, dans une subtile référence au cinéma muet, autant de figures de style qui fondent l’inspiration de la pièce et laissent libre cours à l’espièglerie et à une joie fantasque.
Dans un langage singulier, les six interprètes de haute volée forment une communauté de l’absurde et mettent en regard les dynamiques complexes des interactions humaines. La mise à nu d’une humanité souvent retenue et dissimulée par les conventions sociales.
Les personnages à la fois engagés et absents parcourent le plateau dans une intention qui nous échappe, ou sans intention, entrent et sortent brusquement, semblent s’ignorer puis se rassemblent en un étrange ballet silencieux… Le spectateur, à travers l’effet cathartique des corps qui se libèrent des contraintes, participe au processus d'affranchissement et partage la sensation exacerbée de l’instant. La physicalité insolite des corps, traversés par une énergie soudaine, incontrôlée, renouvelle son regard sur le monde, dans un élan revigorant !
« L’insolite se conjugue à l’indiscipline. Les niveaux de sens se superposent, se dérobent et se reconstruisent, offrant aux danseurs, dépossédés d’eux-mêmes, un espace à éprouver et au spectateur, matière à rêver, sourire, rire, … trépigner d’envie ! Un esprit facétieux mène alors la danse. On voudrait qu’il s’empare de l’aberration du monde pour la rendre lumineuse. » - Christian & François BEN AÏM
L’interview « FACÉTIES » avec François BEN AÏM !
Une interview réalisée à l'occasion de la résidence de la Compagnie Christian et François BEN AÏM au Théâtre des Bergeries.