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Voltes

CN D - Centre national de la danse 2000 - Réalisateur-rice : Cassou, Jérôme

Chorégraphe(s) : Diverrès, Catherine (France)

Présentée dans la/les collection(s) : Centre national de la danse

Producteur vidéo : Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne

Vidéo intégrale disponible au CND de Pantin

en fr

Voltes

CN D - Centre national de la danse 2000 - Réalisateur-rice : Cassou, Jérôme

Chorégraphe(s) : Diverrès, Catherine (France)

Présentée dans la/les collection(s) : Centre national de la danse

Producteur vidéo : Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne

Vidéo intégrale disponible au CND de Pantin

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Voltes

Avec Voltes, conçue en 2000, Catherine Diverrès entreprend un projet à trois pôles, convoquant à la fois les questions de mémoire des oeuvres, de leur transmission et de l'interprétation en solo.

En effet, la première partie de la pièce s'articule autour de soli extraits des pièces Instance, L'Arbitre des élégances, Concertino, Corpus, Ces poussières et L'Ombre du ciel[1], que la chorégraphe a choisi de transmettre à deux interprètes féminines de la compagnie, Carole Gomès et Isabelle Kürzi.


« (…) J'ai compris que je pouvais transmettre quelque chose de très intime et de passé, qui n'est pas comparable avec le processus de création, car dans celui-ci je m'appuie sur des personnes et pars d'elle-même. Là, il s'agit de quelque-chose de secret, d'un don plus profond. C'est comme si l'on abandonne son dernier périmètre privé. Je suis heureuse de voir renaître et vivre ces formes, ces élans qui ont traversé une quinzaine d'années de ma vie, étincelles, petits fragments d'œuvres passées, habitées par d'autres femmes aujourd'hui. Ensuite, peut-être, ces danses seront transmises par elles. (…) » [2]

Les soli se succèdent, alternativement dansés par chacune des interprètes, lesquelles s'en emparent avec d'autant plus de respect qu'elles les abordent avec bravoure - du reste, respecter la danse d'une autre, que serait-ce au juste, si ce n'est nécessairement la trahir ?


Isabelle Kürzi, dans une lumière latérale déjà vue dans une autre pièce, s'engage dans le premier solo. Portée par l'ancrage d'un corps tonique qui lui donne une dimension terrestre inédite, la danse s'avère ici délicate et solide à la fois. Carole Gomès, ensuite, tout en force concentrée, investit un mouvement arrêté, net, aux abandons maîtrisés in extremis, en une sorte de danse d'autorité qui parait en permanence au bord de la rupture. Réapparaît la première, robe longue à manches gigot, alanguissant subtilement le mouvement au son inquiétant d'un violon.


La seconde resurgit en rouge-sang séché, sautant et se cabrant, ses bras immenses semblant fendre un orage industriel suggéré par des bruits caractérisés d'horloges et de machines. A nouveau la première, elle évoque une mariée, peut-être une communiante, flottante icône virginale dont les bras, habilement loquaces, jouent à faire surgir une seconde présence. Carole Gomes revient, en robe-bustier noire, le corps comme en attente suspendu sur la demi-pointe. Des bras-ailes de la danseuse, et de son dos-oiseau subrepticement secoué de spasmes, se dessine progressivement l'envergure d'un espace intime agrandi ou réduit, ouvrant sur une parade intérieure à différentes échelles.


L'ultime solo est porté par Isabelle Kürzi : d'abord conduite par une marche millimétrée, ramassée sur elle-même, les mains tenant haut les pans d'une robe couleur de terre, la danseuse se déploie de tout son long. A travers les effets de voile de la robe statuaire, on observe un monde d'intériorité qui éclot tout juste, se révélant au fil du geste parsemé d'étoiles fulgurantes, telle une ballerine romantique à qui succéderait une geisha, puis encore une danseuse à la sophistication toute baroque.

Dans la seconde partie de la pièce, Catherine Diverrès réinterprète son solo Stance 2, créé en 1997. Telle celle d'une très vieille femme, son entrée courbée embrase un lointain semblant envahi de nuées, barrées d'un trait blanc lumineux. En cela peut-on noter l'empreinte, du moins dans le tout début, du dernier solo dansé par Isabelle Kürzi lors de la première partie. Cette résonnance prend dans ce cadre un sens tout particulier, dans la mesure où l'on assiste ici à un geste de passation des œuvres à d'autres danseuses : la figure de la vieille femme prend alors un tour symbolique, où l'on ne peut s'empêcher de lire une parabole de la mémoire à la fois en travail et en don.

A tâtons les mains, témoins ou partenaires, contournent, inventent et font vivre un objet – un corps ? - imaginaire, lequel serait comme saisi dans une mobilité toute en courbes, mais faite pour l'aigu, le coupant, et ne s'arrondissant qu'au dernier moment, presque par accident. Le corps de la danseuse, initialement ramassé, s'offre alors en substance à l'air du plateau, si frugalement éclairé qu'il en deviendrait abyssal. La silhouette, tour à tour vagabonde et incisive, se transforme à chaque mouvement ; voilà que furtivement, au détour d'un déploiement de bras, passe l'ombre du cygne de Pavlova… Et dans cette danse qui n'en finit pas de s'enrouler, puis de se dérouler, on entrevoit un corps traversé de références à l'histoire chorégraphique, y compris des siennes propres.

Alice Gervais-Ragu


[1] Soli dansés par Catherine Diverrès elle-même à l'époque de la création des pièces
[2] Catherine Diverrès à propos de Voltes, juillet 2000


RÉCEPTION CRITIQUE

« C'est cette mémoire tissée par un travail au long cours, que la chorégraphe réinterroge dans Voltes, sa dernière création. Un corpus de pure danse, exclusivement composé des solos de la chorégraphe. »

Irène Filiberti à propos de Voltes, 2001


dernière mise à jour : mars 2014

Diverrès, Catherine

Catherine Diverrès naît en Gironde en 1959, et passe une enfance entre France et Afrique. Dès l'âge de 5 ans, elle se forme à la danse classique auprès de Sylvie Tarraube, puis de Suzanne Oussov, selon la technique Vaganova. Dans le milieu des années 1970 elle aborde les techniques américaines (Limon, Graham, Cunningham, Nikolais), et entre en 1977 à Mudra Béjart.

Elle danse un temps pour les Ballets Félix Blaska (1978) puis pour la compagnie Nourkil – danse-théâtre et pour Elinor Ambasch (1979) avec Bernardo Montet. En 1980 ils intègrent la compagnie de Dominique Bagouet à Montpellier, notamment pour les pièces Grand Corridor et Toboggan. A la suite d'une série d'ateliers, Catherine Diverrès conçoit Une main de sable, création pour cinq danseurs pensée depuis un travail en commun autour des thèmes d'origine et de territoire, qui sera présentée au festival de Montpellier en juillet 1981.

En 1982, Elle s’installe à paris avec Bernardo Montet. Advient la préfiguration de ce qui deviendra le Studio DM, avec la création d'un solo de Catherine Diverrès, Consumer, puis l'obtention d'une bourse d'étude du Ministère de la Culture, leur permettant de se rendre à Kamihoshikawa (Japon) suivre une formation de six mois auprès du maître de butô Kasuo Ohno.

La première pièce officielle du Studio DM, Instance, est créée par Catherine et Bernardo Montet en 1983 à Tokyo, et la légende veut qu'elle laissa « muet le maître du butô en personne. » Elle est suivie du Rêve d'Helen Keller en 1984, conçue par Catherine Diverrès seule, et primée lors du Concours de Bagnolet. Sept autres pièces voient le jour entre 1985 et 1994, faisant l'objet de différentes collaborations. De cette première période de création, on note que Catherine Diverrès continue à danser dans chacune de ses pièces. A ses côtés, Bernardo Montet se pose également comme un collaborateur et interprète d'exception : « Deux danseurs hors pair : elle, lointaine, intouchée, lui, massif et virtuose à la fois, tous deux réunis dans une même façon de ployer le corps et de passer avec aisance de la lenteur la plus suspendue à la brutalité la plus vive » (Chantal Aubry).

Le studio DM – où désormais chacun des deux chorégraphes signe ses propres pièces - acquiert progressivement une reconnaissance critique, publique et institutionnelle : les spectacles font la une des festivals les plus prestigieux d'Europe (Avignon, Montpellier, SIGMA à Bordeaux, Sringdance à Utrecht, Glashuset à Stockholm, Festwoch à Berlin…), et sont montés grâce à différentes coproductions (CAC d'Orléans, Théâtre de la Ville, Quartz de brest, CNDC d'Angers, …).

En 1994, Catherine Diverrès et Bernardo Montet sont nommés codirecteurs du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, que Catherine Diverrès continuera à diriger seule à compter de 1998. Ce qui, peut-être, détermine le plus pertinemment cette période tient probablement à l'incursion de textes poétiques ou philosophiques dans les créations. Si l'incursion de textes n'est certes pas nouvelle dans les œuvres de Catherine Diverrès, du moins prend-elle, dans ces années-là, un tour essentiel dans les enjeux, artistiques comme de réflexion, portés par la chorégraphe. Il paraît nécessaire de souligner l'importance de la pratique de l'écriture chez Catherine Diverrès. Les archives des documents artistiques de la chorégraphe montrent assez l'ampleur et la qualité de son implication dans les éditoriaux des Lettres du CCNRB comme dans les dossiers de création : toutes les notes d'intention des pièces, exclusivement rédigées par elle, témoignent d'une grande exigence et d'une rare clarté de pensée. 

L'année 2008 est marquée par le retour au statut de compagnie indépendante, que Catherine Diverrès nomme Association d'octobre. La première pièce créée après le départ du CCNRB, Encor (2010), est une commande de la Biennale de danse de Lyon dont c'est alors la dernière édition pour son fondateur Guy Darmet. C'est d'ailleurs ce dernier qui lui suggérera ce titre, telle une pirouette actée et symbolique à leurs départs respectifs. 

En 2012 est créé le solo O Senseï, dansé par Catherine Diverrès. Il s'agit d'une commande du CDC-Les Hivernales, que la chorégraphe conçoit en hommage à Kasuo Ohno, mort en 2010. Ce solo constitue actuellement la seule pièce dansée par Catherine Diverrès. La dernière pièce à ce jour date de 2013 : Penthesilée, créée au Théâtre Anne de Bretagne, renoue avec le format de pièce de groupe, en réunissant sur scène une équipe de neuf danseurs. 


Source :  Alice Gervais-Ragu 

Cassou, Jérôme

Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne

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